L’hôpital public est en crise ! Pourtant le gouvernement n’a qu’un seul objectif en tête, réduire la dépense publique en étranglant encore plus le service public, notamment celui de la santé.
Les hôpitaux publics sont pratiquement tous déficitaires. Les causes sont connues :
- la tarification à l’activité (T2A) a d’un côté incité à la surproduction d’actes médicaux, de l’autre a été destructurant du fait des baisses tarifaires destinées à limiter les dépenses de santé
- le manque de financement de mesures du Ségur de la santé
- la baisse des recettes, accentuée par les fermetures de lits
Les services d’urgences sont saturés et ont même parfois disparus, les fermetures de lits sont légion (au rythme de 4000 par an depuis 10 ans), les personnels partent suite à la dégradation des conditions de travail et de salaires …
Pour faire des économies sur les dépenses de santé, le mode de management des hôpitaux a fait de l’hôpital une entreprise qui doit être rentable, réduisant le travail du personnel médical aux gestes techniques, plus de temps pour l’humain, entrainant la démission de beaucoup de soignant·es pour perte de sens dans leur travail.
En parallèle, on assiste à un glissement de lits du public vers le privé. Les cliniques, centre hospitaliers privés se développent avec leurs dépassements d’honoraires parfois très importants. En conséquence, de plus en plus de personnes renoncent à des soins.
Vous trouverez ci-dessous un état des lieux des hôpitaux publics en Essonne, décrits par des représentantes des Comités de défense des hôpitaux du Nord-Essonne et du Sud-Essonne.
Auteure : Laurence Gauthier, co-animatrice du CL Attac Val d’Orge et représentante du Comité de Défense des Hôpitaux du Nord Essonne
Relecture : Maryse Mouveroux, Alban Mosnier
Dégradation de l’offre de soins dans le Nord Essonne
Ces 3 hôpitaux polyvalents publics dans le Nord Essonne, proches des habitants, comportaient maternité, chirurgie, médecine interne, plateau technique, urgences 24/24 h, etc.
L’ARS (Agence Régionale de Santé), autorité administrative créée sous Sarkozy pour piloter régionalement la politique de santé, a décidé de sacrifier ces trois hôpitaux au profit d’un hôpital unique sur le plateau de Saclay qui serait un établissement de pointe et de prestige.
ce que ne sera pas l’hôpital Paris-Saclay
Cet hôpital, annoncé comme un hôpital de pointe avec du matériel moderne, en plus de la maternité, soignera les « maladies aiguës », affections soudaines mais de courte durée. En revanche, les affections chroniques (diabète, hypertension, maladies cardio-vasculaires, maladies respiratoires etc…) nécessitent du temps, des lits, du personnel. La prise en charge de ces patients relève d’une médecine personnalisée, intégrée et coordonnée entre les professionnels (médecins, paramédicaux et travailleurs sociaux) et entre la ville et l’hôpital. Il faut bien recréer une offre de soins de 1er recours, en ville en proximité, avec des urgences, en lien avec les hôpitaux, et développer la prévention pour diminuer l’épidémie de maladies chroniques.
L’outil utilisé a été, comme partout en France, de constituer préalablement un groupement hospitalier de territoire (GHNE – groupement hospitalier Nord-Essonne) entraînant la coopération et la mutualisation de la gestion des trois hôpitaux.
Les investissements du GHNE étant orientés vers la construction de ce nouvel hôpital – situé à l’ouest de ce territoire – ces hôpitaux ont été délaissés, abandonnés, démantelés (suppression/transfert de services) par l’ARS, accentuant la désertification médicale déjà constatée.
- HÔPITAL de LONGJUMEAU : dès l’ouverture de l’hôpital Paris-Saclay, il va devenir un hôpital réduit à une centaine de lits centré sur les maladies chroniques, la prise en charge des personnes âgées, les soins palliatifs (transférés de Juvisy). Les urgences étant remplacées par un simple CCSU (Centre de Consultations et de Soins Urgents) fermé la nuit et traitant les soins de faible gravité, les cas graves devant être transférés au CHSF de Corbeil-Essonnes (déjà saturé) et à Saclay.
- HÔPITAL d’ORSAY : situé en centre ville, il ferme et déménage dans l’hôpital Paris-Saclay.
- HÔPITAL de JUVISY : ou ce qui en restait a été vendu à Clariane, ex- Korian, groupe privé spécialisé dans la gériatrie à but lucratif, avec, suite à la pression des usagers et des élus locaux, comme condition, le maintien d’urgences publiques dans leurs locaux
Or, l’hôpital Paris Saclay, dont la situation géographique est excentrée par rapport aux habitants de Juvisy et Longjumeau notamment, ne répondra pas à leurs besoins. Cela concerne 550 000 habitants, une population jeune, en pleine expansion (démographe de plus de 1% par an).
Cette nouvelle situation constitue un non-sens écologique et sanitaire car cela accroîtra les flux de circulation pour accéder à l’hôpital excentré, sans héliport et avec parking payant. Les pompiers et les ambulanciers alertent depuis des années sur les risques induits par des trajets rallongés, des prises en charge tardives qui accroissent les risques d’accidents et de complications.
Cela aggravera la situation du Nord Essonne, zone déjà classée en désertification médicale, le nombre de lits annoncés étant largement inférieur au nombre de lits qui existaient.
Au fur et à mesure que les services de ces hôpitaux ferment : chirurgie, maternité, médecine interne, urgences, etc, surgissent des cliniques privées, détenues par Ramsay, Korian, Almaviva, ou autre groupe privé hospitalier, récupérant ainsi les secteurs lucratifs du « marché de la santé » (dixit l’ARS). Cette situation introduit une santé à deux vitesses : ceux qui pourront s’offrir des dépassements d’honoraires… et les autres, qui ne pourront se faire soigner.
L’ouverture de l’hôpital Paris-Saclay et ses conséquences
Le directeur du GHNE annonce fin novembre 2023 au personnel des Urgences de Juvisy – par simple mail – que leur service sera transféré au mois de juin à Longjumeau, celui de Longjumeau étant déplacé à Saclay…
Or l’hôpital Paris-Saclay doit ouvrir en juin, juste avant les JO. Pur hasard ?
Les Juvisiens et les villes avoisinantes vont donc se retrouver sans urgences, et les personnels déplacés sans égard pour leur vie privée.
Rappelons aussi que Juvisy se situe à quelques kilomètres de l’aéroport d’Orly, près de la N7, de l’autoroute A10, avec risques Seveso et proximité de la Seine et des possibilités de crue. On n’ose penser à ce qui se passerait en cas d’accident majeur !
Le comité d’usagers , les élus d’opposition, les syndicats alertent la population de cette situation : tractages, courrier à l’ARS, à la maire… pas de retour.
Devant la panique, l’ARS publie un communiqué le 12 janvier 2024 qui se veut rassurant mais qui commence par un panégyrique du futur hôpital ultra moderne de Paris Saclay, comme si cet hôpital constituait une réponse pour TOUS les habitants du Nord Essonne. Puis il présente sa solution : maintien à Juvisy « d’une offre de soins d’urgence » grâce à l’ouverture d’un accueil de soins non programmés 7 jours /7 de 9h à 21h, accompagné d’un dispositif SMUR (Structure Mobile d’Urgence et de Réanimation : une ambulance suréquipée, à charge de trouver un lit pour le malade après les premiers soins d’urgence).
Le service d’urgence de Juvisy passerait d’une vingtaine de personnes à un ou 2 soignants et un médecin.
Décryptage : un service d’accueil minimal pour les soins courants, à charge de trouver un lit d’aval pour y envoyer les patients plus gravement atteints . Aucune prise en charge la nuit. Tous les hôpitaux du secteur sont saturés, les urgences débordées. Les Juvisiens n’ont plus de recours.
dans les coulisses
Selon l’accord passé entre Clariane ex Korian et l’ARS, Korian s’était engagé à reconstruire un nouveau bâtiment où seraient abritées ces urgences publiques, moyennant un apport de 6 millions d’argent public. Mais Korian, qui connaît de grosses difficultés financières, a pris du retard dans la construction du nouveau bâtiment. Donc, plus de bâtiment, plus d’urgences publiques.
Lors d’une réunion publique, le 28 mars, la maire de Juvisy, le directeur du GHNE, le représentant de l’ARS avouent piteusement qu’ils ne pensaient pas que Clariane-Korian ne respecterait pas le planning, qu’ils croyaient pouvoir lui faire confiance, qu’ils n’ont pas prévu de sanctions : pénalités de retard etc. et qu’ils n’ont pas de réels moyens de pression sur Clariane-Korian.
Ce jour-là, les Juvisiens ont compris que leur accès aux urgences dépend de la bonne santé financière d’un groupe privé et de ses choix stratégiques.
Auteure : Sandra Douailler, représentante du Comité de Défense de l’Hôpital de Dourdan
Dégradation de l’offre de soins à Dourdan
L’avenir de l’offre de soins publique à Dourdan est compromis lui aussi quand on entend le directeur du CHSE
« Notre hôpital est bien vivant et se développe. Son avenir est garanti … Nous devons faire tomber les murs et créer des passerelles, être ouvert vers l’extérieur »
déclaration du directeur du CHSE dans la presse locale
Tout en insistant sur le partenariat indispensable entre public et privé, avec des offres « complémentaires » au service de la population.
Le privé a de beaux jours devant lui à l’hôpital public et pas en complémentaire mais en remplacement !
Au Potelet c’est Clinaillance (réseau privé francilien qui développe cliniques de Soins Médicaux et de Réadaptation, Ehpads Repotel et résidences séniors) qui ouvre des lits privés en SSR (soin de suite et réadaptation) pendant que des lits sont supprimés dans l’Ehpad public.
Le CPP (centre périnatal de proximité) est déplacé à l’étage dans un espace non adapté pour que PointGyn, un cabinet privé de gynécologie prenne sa place. La consultation est à 96€ et les opérations en dépassements d’honoraires ne sont pas prises en charge par la mutuelle.
Et à l’extérieur de l’hôpital c’est aussi une santé privée à but très lucratif avec Ramay Santé installé en centre-ville par le maire de Dourdan. L’IRM ne profite pas aux patient·es de l’hôpital de Dourdan puisqu’il y a des dépassements d’honoraires sauf urgence.
Qu’en sera-t-il de la maison de santé municipale si Ramsay Santé l’absorbe ?
L’offre de soin accessible à toutes et tous ne peut pas être assurée lorsque c’est le privé qui en est le garant !
Auteure : Corinne Aubin, du syndicat CGT du Centre Hospitalier Sud Essonne
Dégradation de l’offre de soins dans le Sud Essonne
À l’hôpital du Sud Essonne que ce soit sur le site de la ville de Dourdan et d’Etampes il se passe la même chose que pour d’autres petits hôpitaux.
Les gouvernements ont décidé il y a bien longtemps de faire de grandes structures hospitalières en supposant que ce serait plus économique. Ils ont ainsi laissé les petites structures se détériorer. Les bâtiments sont peu entretenus, il n’y a guère que les façades avant qui sont un peu rénovées. Un service de réanimation a effectivement été totalement reconstruit, le service vétuste des urgences du site de Dourdan va être agrandi, mais il faudrait des travaux bien plus importants sur les deux sites. Malheureusement, ceux- ci sont victimes du peu d’entretien depuis de nombreuses années.
Locaux peu engageants, services publics dénigrés, aucune mise en place de vrais projets de développement et de modernisation. Peu de changement dans la réflexion de l’accompagnement des soins, aucune amélioration des conditions de travail et des salaires bas.
Aujourd’hui on tombe des nues parce qu’il devient difficile de trouver des professionnels de santé ? Où est l’attractivité ?
Le sabotage s’est fait de l’intérieur, les situations de pourrissement ont été étudiées, des méthodes de management délétères ont été mises en place. Nous sommes tributaires de personnels vacataires qui coûtent énormément parce que les conditions ont été mises en place pour arriver à cela.
De quoi offrir un bel espace aux entreprises de santé privées qui sont présentées aujourd’hui comme des partenaires. On va jusqu’à mettre en avant leurs performances face aux services publics. Le secteur de la santé est une mine d’or, le but n’est pas de développer des services équitables pour tous, la médecine à deux vitesses est déjà là. Pour autant, est-ce une fatalité ? Absolument pas, un changement de politique s’impose, un réel développement de la médecine préventive et de proximité est la solution pour freiner les dépenses. Malheureusement tout est mis en place pour faire le contraire. Des citoyens malades dépenseront pour se soigner et soigner leurs proches .. l’argent appelle l’argent.
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je viens de déménager et ne pourrai vous soutenir davantage, (je reste informé malgré tout) mais bon courage à vous, la cause est juste !! Amitié