Rencontre avec l’Université Paris-Saclay le 24 juin :
Exposé de Christine Dillmann, suppléante de
Pierre Larrouturou pour le Nouveau Front Populaire
aux élections législatives de juin 2024.
Préambule sur l’éducation
- Objectif : former des citoyens portant un regard critique sur le monde. Rendre la culture accessible à tous. Préparer à un métier.
- Les politiques successives des gouvernements libéraux ont consisté à surtout réduire le nombre d’emplois dans la fonction publique. On ne parlera pas aujourd’hui des conséquences pour la santé et les services publics mais dans l’éducation nationale, c’est mathématique : moins de profs = plus d’élèves par classe (ma voisine instit à Bures en CE avec 32 élèves). Dégringolade du classement de la France dans le barème PISA, qui compare entre pays les acquis des élèves.
- Tout se passe aujourd’hui comme si l’objectif de l’éducation nationale était au mieux d’apprendre à lire et écrire et surtout pas à réfléchir.
Il faut parconséquent réinvestir dans l’emploi public ! Dans le programme du Nouveau front populaire, deux mesures importantes :
- Viser la moyenne européenne de 19 élèves par classe
- Créer un service public d’accompagnement des élèves en situation de handicap
L’enseignement supérieur
Néanmoins, entre 65 % et 80% d’une classe d’âge accède aujourd’hui aux études supérieures : la moitié à l’université et l’autre dans l’enseignement supérieur : BTS, classes prépas, écoles. C’est un fait et une évolution de la société dont il faut se réjouir.
On est dans un système compliqué en France avec plusieurs modèles concurrents
- Pour les formations techniques, l’état s’est presque entièrement désengagé (Macron). L’apprentissage c’est bien mais assuré aujourd’hui par le privé bénéficiant de subventions d’état (exemple de ma fille). L’éducation est devenue un secteur marchant. En 2024, plus d’un quart des étudiants font des études supérieures dans un établissement privé.
- Pour l’enseignement supérieur, deux offres possibles : formation par la recherche à l’université et formation pratique dans les écoles d’ingénieurs, réservées à une élite. A l’époque de Napoléon, l’élite venait de toute la France. Aujourd’hui, les riches bien éduqués font des grandes écoles et les pauvres, quand ils le peuvent, vont à l’université. Le népotisme accentue la fracture sociale.
En tant que parents/étudiants, on est confronté au redoutable outil Parcoursup
La majorité des jeunes adultes désirant poursuivre leurs études démarrent leur vie classés en dernière position sur leurs premiers vœux. Quel signal leur adresse la France ? Les propositions du NFP sont de revoir l’outil pour donner plus de poids au secteur géographique.
Surtout, le modèle économique libéral a inventé le statut de grand établissement
On fusionne les grandes écoles avec les universités sous prétextes d’économies de moyens, et on délivre deux types de diplômes : un diplôme labellisé (UPSAY) pour les étudiants des grandes écoles et des filières sélectives au sein de l’université, et un diplôme régional appelé « école universitaire » pour tous les autres. La macronie renforce la fracture sociale.
Dans ces nouvelles universités, une nouvelle gouvernance est imposée
avec toujours moins de démocratie et toujours moins de poids des personnels dans les décisions, et toujours plus de poids des grandes entreprises. A UPSAY, le conseil d’administration comprend 50 % de membre extérieurs qui disposent aujourd’hui d’une majorité de blocage, dès lors qu’ils s’allient avec la présidence. S’agit-il bien d’indépendance des universités et de libre pensée ?
La vraie urgence dans les universités est l’accueil de 15000 nouveaux étudiants supplémentaires chaque année
alors que le nombre de MCF et PR diminue ! entre 2010 et 2021, il a été divisé par deux pour les maîtresses et maîtres de conférence : 1963 en 2010 et 1065 en 2021. Moins de profs et de plus en plus d’étudiants. L’enseignement de masse à l’université est une richesse de la France. L’accès gratuit aux études supérieures existe dans très peu d’autres pays. Mais il y a une limite à ce que l’on peut faire en terme d’innovation pédagogique. Les sciences humaines sont les premières touchées (50 étudiants dans une classe de TD) mais même à AgroParisTech on fait des TP avec 35 étudiants. En 2024, le journal Le Monde montre que les vacataires sont majoritaires parmi les enseignants-chercheurs.
Sans compter la diminution des emplois dans les services d’appui pour l’administration et les TPs. À UPSAY, le service médical de la médecine du travail ne cesse d’envoyer des messages d’alerte concernant l’augmentation inquiétante des cas de burn-out de la part de toutes les catégories de personnels. Le rapport Degest, le cabinet conseil en santé et conditions de travail consulté par l’université Paris-Saclay est tout aussi alarmant.
La vraie urgence, c’est aussi la précarité des étudiants
Une enquête du Figaro de février 2024 montre que 3/4 des étudiants bénéficiaires de paniers-repas vivent avec moins de 3.33 euros par jour.
Quel modèle d’enseignement supérieur pour l’avenir ?
Il faut créer des emplois publics et remettre la démocratie et la collégialité au centre. Notre jeunesse mérite de pouvoir se former un esprit critique dans de bonnes conditions. Surtout, l’allocation d’autonomie va permettre à toutes et à tous de se consacrer à ses études. Il faut remettre la partie académique de la formation par l’apprentissage à remettre dans le giron du secteur public.
La Recherche
Depuis plusieurs dizaines d’années, la France est à la traîne des pays du monde en terme de PIB consacré à la recherche [<2.5 % du PIB dont la moitié dans les entreprises] alors que toutes les études montrent que la croissance d’un pays est liée au niveau d’éducation des citoyens et de son investissement dans la recherche. Les politiques actuelles se trompent sur trois points :
- Elles confondent les notions de recherche et celles d’innovation (ex. direction de la marque à UPSAY)
- Elles surestiment la capacité d’innovation des entreprises privées et la plupart des crédits de la recherche sont détournés dans le privé sous la forme du crédit impôt-recherche dont le bilan reste à faire en terme de création de nouvelles idées.
- Elles ne comprennent pas que le processus d’élaboration des idées est lent et collégial. En sciences aujourd’hui, c’est la course à la vedette. Plus tu es connu et plus tu as d’argent. Une spirale négative qui ne permet pas l’émergence d’idées nouvelles, ce qui a été démontré scientifiquement.
Depuis de début du 21ème siècle, nous avons vécu la généralisation de la recherche sur projets avec la création de l’ANR en 2005, puis la loi sur la prétendue autonomie des universités qui a réduit leurs financements, puis en 2020 la loi de programmation de la recherche qui remplace les salaires par des primes sous prétexte d’attractivité des carrières. Et maintenant le rapport Gillet qui transforme les instituts de recherche comme le CNRS, l’INSERM, INRAE en agences de moyens. Vous connaissez tout cela. Je citerais simplement le rapport 2021 du comité d’éthique du CNRS :
Le temps consacré à l’obtention de ces financements s’est considérablement accru et cela d’autant plus que la durée des contrats et la faiblesse des montants obtenus obligent à multiplier des réponses aux appels d’offre. La lourdeur administrative et la complexité de certaines demandes de financement pèsent fortement sur les temps effectifs consacrés à la recherche.
On ne sait pas comment vont fonctionner ces agences de moyen, mais le programme France2030 montre que le modèle reste les appels à projets. La différence est qu’ils ne sont plus évalués par des pairs mais attribués selon des indices de renommées des labos et des porteurs de projets. Est-ce comme cela que l’on fait de la bonne science ?
Aujourd’hui, les revendications sont claires
- Arrêter les revalorisations de salaires sous forme de primes, qui génèrent des compétitions inutiles entre les personnels ;
- Modérer la part des des financements sur projets. La part fixe (subvention d’état) d’un labo de recherche en Biologie est 13 %. Est-ce normal ? Est-ce que cela permet de réfléchir sereinement avec cette pression continue de recherche de financements ?
- Définir une ligne directrice claire permettant à la fois des financements sur des programmes qui répondent aux enjeux sociétaux actuels en lien avec la transition écologique, des financements non ciblés sur des questions ouvertes, la construction de nouveaux programmes interdisciplinaires pour répondre aux futurs enjeux sociétaux, qui ne sont pas connus à ce jour. Remplacer la mise en concurrence sur des critères difficiles à évaluer par la confiance. Renforcer la collégialité des instances d’évaluation de la recherche. Arrêter les évaluations-sanctions.
Auteure : Christine Dillmann, professeur à l’Université Paris-Saclay et engagée depuis de nombreuses années dans la défense du service public.
Christine dirige une unité de recherche au sein de l’Institut Diversité, Ecologie, Evolution du Vivant et est maman de deux filles qui ont grandi aux Ulis, où elle habite depuis 20 années. Ses filles ont été éduquées dans les écoles de la République.
Christine est active dans les associations de la ville et de la région et est profession-nellement engagée pour proposer des solutions concrètes pour la transition écologique.
Biographie
Je suis née dans la Lorraine des aciéries, terre d’immigration et fille d’une institutrice et d’un instituteur. Je suis fière de mes grand-parents venus de l’Europe de l’est et du nord. Ma grand -mère s’appellait Mésojedec. Ils ont eu le courage de partir vers l’inconnu pour construire la France.
Convictions
J’ai assisté avec consternation presque toute ma vie d’adulte aux difficultés des dirigeants politiques à reconnaître la réalité de l’urgence climatique, mais aussi à leur difficultés à lutter contre la puissance des lobbies financiers qui pensent que l’on peut continuer comme avant. Surtout, qui pensent que le paradigme économique libéral est la seule solution, sous prétexte d’une fumeuse théorie du ruissellement dont personne ne voit jamais les gouttes. Ce n’est pas moi qui le dit, ce sont des économistes de gauche (oui, ça existe), mais aussi les membres du groupe 3 du GIEC. Seuls plus de respect, plus de partage, plus de co-construction, plus de justice sociale, plus de concertations, permettront les nécessaires transformations des sociétés humaines pour faire face aux changements climatiques et relever les défis de la terre.
L’urgence environnementale c’est
- le changement climatique ;
- La crise de la biodiversité : les activités humaines sont responsables de la sixième extinction de masse des espèces vivantes sur la terre ;
- L’épuisement des ressources.
Mais il y a des moyens d’action. Et le principal est la réorganisation de l’économie et des systèmes de production.
Depuis presque 40 ans, on assiste à la déconstruction systématique des mesures de protection sociale, de l’enseignement, de la recherche, de la santé sous prétexte de sauver l’économie. Depuis 40 ans, les pauvres deviennent plus pauvres, les riches plus riches, le climat se dégrade, et les conflits pour les ressources génèrent des guerres qui nous touchent de plein fouet et nous déchirent.
Nouveau front populaire
Il est temps de changer. Chaque être humain est plus important que l’argent et l’être humain ne survivra pas sans la planète.
Je m’engage pour le nouveau front populaire comme un immense espoir pour le futur. Faisant taire leurs dissensions, les femmes et les hommes de gauche ont réussi en quelques semaines à construire un formidable programme politique :
- Vers plus de justice sociale et une réduction rapide des inégalités ;
- Pour enclencher la transition écologique et mettre en œuvre les solutions qui existent ;
- Vers plus de diversité sur tous les territoires car ensemble, nous sommes plus forts.
L’allocation autonomie est une excellente idée pour permettre à des jeunes de milieux modestes de suivre un cursus universitaire.
J’ai pu, en mon temps, profiter de l ascenseur social. Et je suis arrivée à obtenir un doctorat!
Revoir le système d attribution des bourses. Mon fils est parti en école d’ingénieurs à 2 heures de route de la maison. Il a pu assumer ses frais grâce à ma prestation compensatoire, il n’ avait que 100 euros par mois alors que j étais seule avec ses 2 frères !!!